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Méditation de la 4e semaine de l'Avent

Pourquoi Dieu s’est-il fait homme ?

1- Chacun doit tenter une réponse à cette question indispensable et sans laquelle son approche de la foi chrétienne serait dérisoire voire partielle. La mienne se tient en trois points. D’abord, disons que notre Dieu est Trinité. Il vit en communauté. La foi chrétienne a défini le Dieu de Jésus-Christ comme étant trinitaire. Le Père vit avec le Fils et le Saint-Esprit. Chacune des Personnes divines reste étroitement reliée aux autres et intrinsèquement liée à elles. On parle d’un Dieu en trois Personnes, et les trois Personnes partagent la nature divine (ousia, avec la même substance). Chaque Personne de la divine Trinité joue un rôle propre : le Père est Père et Créateur ; le Fils est Fils et Rédempteur ; le Saint-Esprit est Amour du Père et du Fils : il nous guide, il nous oriente, il est le Paraclet. Ensuite, Dieu nous a créés par pur amour à partir de rien et nous veut collaborateurs de son message de vie et d’amour pour l’humanité. Ainsi, en nous appelant à participer à son œuvre, il nous veut éternels comme lui mais aussi libres. Malheureusement le projet divin de salut a été blessé par le péché originel. Mais Dieu n’a pas abandonné son désir initial que l’on appelle le dessein divin et salvifique. Ainsi, comme rien ne lui est impossible, il a décidé de nous sauver en envoyant son Fils Jésus nous réconcilier avec lui par le bain de son Sang versé. Enfin, Dieu s’est donc fait homme pour relever l’homme déchu, esclave de la mort et du péché. Le Christ, Visage et Parole du Père est venu nous indiquer comment aimer, comment vivre, et nous disposer à répondre à l’appel du salut que le Père nous a lancé. Le projet divin est donc resté intact et réalisé (accompli) par l’Homme-Dieu, Jésus-Christ. Voyons comment, le long de l’histoire, à travers les Pères de l’Église (Irénée de Lyon et Augustin), puis saint Anselme et Benoît XVI, une réponse a été donnée à la question : Pourquoi un Dieu-Homme ?

2- Selon Irénée de Lyon (130-202), le principe fondamental de l’Incarnation est la Bonté divine. C’est l’amour de Dieu qui, par son Verbe, conduit l’homme à Lui. L’Incarnation a pour motif d’acheminer l’homme à Dieu par le Verbe incarné. Si la désobéissance du premier homme, Adam, a introduit la chute de toute l’humanité, il faut que l’obéissance du second Adam puisse réparer ce qui a été détruit : « Car le Verbe du Père s'est fait fils de l'homme, parce que, seul, notre Seigneur est le vrai maître, et seul le Fils de Dieu était plein de bonté jusqu'à souffrir pour nous. Et en effet il a combattu et il a vaincu l’homme, il combattait pour ses pères et payait de son obéissance la désobéissance..., détruisant ainsi le péché. Combien le Seigneur est bon et miséricordieux et comme il aime le genre humain ! C'est pourquoi, comme nous avons dit, il a rattaché et uni l'homme à Dieu. Parce que, si ce n'avait été un homme qui eût vaincu l'ennemi de l'homme, il n'y aurait pas eu pour l'ennemi juste défaite... Car, comme par la désobéissance d'un seul homme, de l'homme formé le premier et tiré de la terre encore vierge, les hommes ont été faits pécheurs, il fallait que, de même, ils fussent justifiés et reçussent le salut par l'obéissance d'un seul homme, de l'homme qui le premier est né d'une vierge » (Aduersus haereses, III, 18, 6-8).

3- Saint Augustin (354-430), pour sa part, explique le mystère de l’Incarnation par la distinction entre le verbe proféré et le verbe intérieur. De quoi s’agit-il ? En effet, le verbe désigne la parole, la pensée et la raison. Le Christ est le Logos divin incarné. Le Logos peut être immanent en Dieu ; il émane de l’acte de la création : c’est le Logos proféré ou extérieur. Puisque Jésus se révèle comme étant le Verbe de Dieu, voyons la distinction entre les deux : « Notre verbe devient donc en quelque façon voix matérielle, assumant cette voix pour se manifester aux hommes de façon sensible : comme le Verbe de Dieu s’est fait chair, assumant cette chair pour se manifester lui

aussi aux hommes de façon sensible. Et de même que notre verbe devient voix sans se changer en voix, de même le Verbe de Dieu s'est fait chair, mais n’allons pas croire qu’il se soit changé en chair » (De Trinitate, XV, XI, 20). Pour montrer la Transcendance du Verbe éternel, Augustin fait allusion non seulement au verbe proféré, mais encore à un verbe intérieur lié à une image verbale : « Il nous faut donc parvenir jusqu’à ce verbe de l’homme, à ce verbe d’un être doué d’une âme raisonnable, à ce verbe de l’image de Dieu - non l’image née de Dieu, mais l’image créée par lui - verbe qui n’est ni proféré dans un son, ni pensé à la manière d’un son (qui nécessairement est d’une langue déterminée), mais qui, antérieur à tous les signes dans lesquels il se traduit, naît d'un savoir immanent à l'âme quand ce savoir s’explique dans une parole intérieure » (Idem). Alors à la question : Comment un Dieu homme ?, voici la réponse plus complète d’Augustin : « Si l’on demande comment cette Incarnation est advenue, je dis que le Verbe de Dieu lui-même s’est fait homme, c’est-à-dire qu’il est devenu humain, mais il n’a pas été transformé ou changé en ce qu’il fut fait. En effet, il fut ‘‘fait’’ ceci, afin qu’ici, il n’y eut pas seulement le Verbe de Dieu et la chair humaine, mais aussi une âme humaine rationnelle, et ainsi que ce tout soit appelé, à la fois Dieu, car Dieu est impliqué, et homme, car il y a aussi un être humain » (De Trinitate, IV, 21, 31 ».

4- Pour sa part, saint Anselme de Cantorbéry (1033-1109), connu sous le nom de « Docteur magnifique », a fourni une réflexion fort passionnante sous le titre : Cur Deus homo (Pourquoi un Dieu homme) ? Son traité, dédié au Pape Urbain II est entrepris en Angleterre et dont la rédaction s’est achevée pendant son premier séjour en Italie. Ecoutons deux arguments de saint Anselme :

a/ « Si une autre personne s’incarne, il y aura deux fils dans la Trinité : le Fils de Dieu qui est déjà Fils avant l’incarnation, et celui qui, par l’incarnation, deviendra fils de la Vierge ; et il y aura, entre des personnes qui doivent être toujours égales, une inégalité dans la dignité de leurs naissances. Car celui qui est né de Dieu aura une naissance plus honorable que celui qui est né de la Vierge. Pareillement, dans l’hypothèse où le Père se serait incarné, il y aurait deux petits-fils dans la Trinité : le Père serait le petit-fils des parents de la Vierge, par l’homme qu’il aurait assumé ; et le Verbe, qui n’aurait pourtant rien empreinté à la nature humaine, serait cependant le petit-fils de la Vierge, parce qu’il serait le fils de son fils. […] Il y a encore une autre raison pour laquelle l’incarnation convient mieux au Fils qu’aux autres personnes : on trouvera plus convenable de dire que le Fils supplie le Père, plutôt que de dire que telle autre adresse ses supplications à telle autre. Pareillement, l’homme par lequel devait prier, et le diable qu’il devait vaincre, s’étaient attribués tous deux une fausse ressemblance de Dieu par leur volonté propre. Par là leur péché avait atteint pour ainsi dire plus directement la personne du Fils, dont la foi nous dit qu’il est la vraie ressemblance du Père » (Cur Deus homo, II, IX, SC 91, p. 377).

b/ Saint Anselme nous aide à répondre à une autre question que nous nous posons souvent : Pourquoi le Dieu-homme doit-il souffrir et même mourir alors que le Père est Amour et toute miséricorde ? En réalité, écrit saint Anselme, « une nécessité rationnelle montre que la cité d’en-haut doit être complétée avec des hommes, et que ce n’est chose possible que par la rémission des péchés ; cette rémission, personne ne peut l’obtenir si ce n’est par un homme qui s’identifie à Dieu dans sa personne, et qui, par sa mort, réconcilie les hommes pécheurs avec Dieu. Il est donc évident que nous avons découvert le Christ dont notre foi reconnaît qu’il est Dieu et homme, et qu’il est mort pour nous. Or, parvenus à cette connaissance absolument sûre, nous ne devons pas douter que tout ce qu’il dit soit certain, puisque Dieu ne peut pas mentir, ni qu’il ait fait avec sagesse ce qu’il a fait, même si nous n’en percevons pas les raisons » (Cur Deus homo, II, XV, SC 91, p. 409).

5- Plus proche de nous, le pape Benoît XVI a tenté une explication à la question qui nous préoccupe : Mais pourquoi un Dieu-Homme ? Ayant fait remarquer que le Nom Jésus est porteur d’une grande charge, celle relative au salut du genre humain, car, « il sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1, 21), le pape en vient à cette affirmation de foi : « D’une part une tâche hautement théologique est donnée, puisque seul Dieu lui-même peut pardonner les péchés. L’enfant est ainsi mis en relation immédiate avec Dieu, est associé directement au pouvoir saint et salvifique de Dieu. D’autre part, cependant, cette définition de la mission du Messie pourrait aussi apparaître décevante. L’attente commune du salut est tournée par-dessus tout vers la concrète situation pénible d’Israël : vers la restauration du règne davidique, vers la liberté et l’indépendance d’Israël et donc, naturellement, aussi vers le bien-être matériel d’un peuple en grande partie appauvri. La promesse du pardon des péchés apparaît trop peu et en même temps trop : trop, parce qu’on touche à la sphère réservée à Dieu lui-même ; trop peu, parce qu’il semble que la souffrance d’Israël et son réel besoin de salut ne soient pas pris en considération » (Joseph Ratzinger, L’enfance de Jésus, Flammarion, 2012, p. 66-67).

6- Finissons ce parcours historique sur le Verbe incarné par cette belle prière que saint Anselme adresse à la Vierge Marie :

« Ô Toi, tendrement puissante, puissamment tendre, ô Marie de qui est sortie la source des miséricordes, n'arrête pas, je T'en prie, cette miséricorde si vraie là où Tu reconnais une vraie misère. Car si moi je suis confondu en face de Ta sainteté éblouissante, Tu n'as pas à rougir de Tes sentiments miséricordieux qui Te sont si naturels. Si ma misère est plus grande qu'elle n'aurait dû l'être, Ta miséricorde sera-t-elle plus faible qu'il ne Te convient ? Ô tendre Dame, plus mes fautes paraissent impures à la face de Dieu et devant Toi, plus aussi elles ont besoin d'être guéries grâce à Ton intervention. Guéris donc, ô très clémente, ma faiblesse ; efface cette laideur qui t'offense, exauce-moi par la vertu de Ton fils, de Celui qui siège à la droite du Père. Ô Toi, belle à voir, aimable à contempler, délectable à aimer ! Vraiment, le Seigneur est avec Toi ! Tu es pleine de grâce, surabondante de grâce, et du trop-plein de cette plénitude, Tu inondes toutes créatures pour leur redonner vigueur. Ô Vierge bénie, au-dessus de tout, garde souci de celui qui se confie à Toi ; fais que le cri de mes nécessités Te suive partout, et que Tes regards de bonté m'accompagnent. Amen. »

 

Abbé Valerry Wilson, Eglise de Saint Urbain, le 21 décembre 2024

Méditation de la 3e semaine de l'Avent

      1- Nous avons célébré, lundi dernier, la fête de l’Immaculée Conception. Cette appellation de la Vierge signifie qu’elle a été conçue sans tache. Marie a été préservée du péché originel dès sa conception. Avec cette doctrine, l’Eglise catholique souligne la place prépondérante de la Mère du Christ parce que destinée à porter en son sein le Verbe divin. C’est donc par anticipation de la naissance de Jésus, le Fils de Dieu, que sa Mère Marie a été protégée de tout péché dès le premier moment de sa conception dans le sein de sa mère, qui s’appelle Anne. Pour lever tout doute et me faire clair, disons simplement que l’Immaculée Conception se rapporte à la naissance sans péché de la Vierge Marie, tandis que la conception virginale de Marie concerne l’Incarnation, la naissance de son Fils Jésus. Cette fête qui se situe dès les premiers jours de l’Avent pour nous rappeler la destinée exceptionnelle de Marie, cette fille juive, choisie par Dieu, pour participer à l’œuvre du salut. Marie est inséparable de l’Enfant-Dieu qu’elle a porté. Au Concile d’Ephèse en 431, elle est désignée du nom de Theotokos, la Mère de Dieu.

      2- Le dogme promulgué par le Pape Pie IX, le 8 décembre 1854 stipule que Marie est préservée du péché originel et de tout péché. Il est formulé comme suit : « Nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine qui tient que la bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulière du Dieu tout puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel, est une doctrine révélée de Dieu, et qu’ainsi elle doit être crue fermement et constamment par tous les fidèles ». Il faut dire que la préservation de Marie de tout péché à un but : la naissance de Jésus-Christ notre Sauveur. Dieu a disposé la Vierge Marie à accueillir son Fils dans un sein sans péché, c’est-à-dire sans le moindre doute sur Dieu, sans aucune trace d’hésitation ou de refus. Saint Augustin nous enseigne sur Marie : « Cette femme unique est vierge et mère non seulement selon l'esprit, mais aussi selon le corps. Elle n'est pas la mère, selon l'esprit, de notre chef qui est le Sauveur lui-même ; spirituellement, elle est plutôt sa fille, - car tous ceux qui auront cru en lui, et elle est du nombre, sont appelés à juste titre les fils de l'époux (Mt 9, 15) ; - mais elle l'est de toute évidence de ses membres - et nous en sommes - car elle a coopéré, par la charité, à la naissance, dans l'Église, des fidèles qui sont les membres de ce chef ; selon la chair, au contraire, elle est la mère du chef lui-même. Il fallait en effet que notre chef, par un miracle insigne, naquît, selon la chair, d'une vierge, pour signifier que ses membres naîtraient, selon l'esprit, de cette autre vierge qu'est l'Église » (Augustin, Traité sur la Virginité, n. 5).

      3- Tout au long de cette semaine, le prophète Isaïe nous invite à préparer le chemin du Seigneur : une invitation à rendre droit les sentiers tortueux de nos vies, les médisances, rancunes, calomnies et mensonges par le pardon demandé et reçu. Reconnaître le Seigneur et son agir dans notre vie quotidienne est une manière de vivre ce temps de l’Avent. Poser un regard optimiste sur ce qui nous entoure, c’est reconnaître le Seigneur toujours à l’œuvre autour de nous et en nous. N’ayons pas peur. Le Seigneur nous rassure de sa proximité réconfortante : « Ne crains pas, moi, je viens à ton aide. […] Mais toi, tu mettras ta joie dans le Seigneur ; dans le Saint d’Israël, tu trouveras ta louange » (Is 41, 13-20). Louer le Seigneur à travers une musique religieuse aide à rester serein. Le Seigneur est la lumière de nos pas. Il nous demande de suivre ses commandements : c’est ainsi qu’il guide le chemin sur lequel nous marchons.

      4- La Vierge Marie a joué un rôle exceptionnel dans le plan divin de salut. Si le Père a envoyé son Fils dans le monde, c’est bien par l’entremise d’une femme, Marie. Saint Paul montre la place incontournable de Marie dans l’histoire du salut : « Quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d'une femme, né sujet de la Loi, afin de racheter les sujets de la Loi, afin de nous conférer l'adoption filiale. Et la preuve que vous êtes des fils, c'est que Dieu a envoyé dans nos cœurs l'Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père ! » (Ga 4, 4-6). On voit à travers ces propos de l’apôtre l’amour du Père, la mission du Fils, le don de l’Esprit Saint et la femme par qui est advenue la filiation divine. La plénitude des temps détermine le moment favorable choisi par le Seigneur Dieu pour envoyer son Fils, né de la Vierge Marie afin que, par le Fils, « afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle » (Jn 3, 16). Par Marie, le salut est inscrit dans le temps et l’humanité est inscrite dans l’éternité divine. Ainsi, le Verbe qui était avec Dieu (...) s'est fait chair et a habité parmi nous » (Jn 1, 1. 14). Le Verbe incarné se fait notre Frère. Grâce à Marie, le temps lui-même est sauvé car pénétré par le mystère du Christ : « Les temps sont accomplis » (Ga 4, 4). Le temps de Marie coïncide également avec le temps de l’Eglise. La Nouvelle Alliance en Jésus-Christ indique l’introduction de l’humanité dans la vie éternelle.

       5- Saint Jean-Paul II, dans Redemptoris Mater a montré que Marie est aussi bien la Mère de Jésus que la nôtre. Elle est celle qui a cru et qui nous invite à croire en Dieu : « Si, par la foi, Marie est devenue la mère du Fils qui lui a été donné par le Père avec la puissance de l'Esprit Saint, gardant l'intégrité de sa virginité, dans la même foi elle a découvert et accueilli l'autre dimension de la maternité, révélée par Jésus au cours de sa mission messianique. On peut dire que cette dimension de la maternité appartenait à Marie dès le commencement, c'est-à-dire dès le moment de la conception et de la naissance de son Fils. Dès lors, elle était ‘‘celle qui a cru’’. Mais à mesure que se clarifiait à ses yeux et en son esprit la mission de son Fils, elle-même, comme Mère, s'ouvrait toujours plus à cette ‘‘nouveauté’’ de la maternité qui devait constituer son ‘‘rôle’’ aux côtés de son Fils. N'avait-elle pas dit dès le commencement : ‘‘Je suis la servante du Seigneur, qu'il m'advienne selon ta parole’’ (Lc 1, 38) ? Dans la foi, Marie continuait à entendre et à méditer cette parole par laquelle la révélation que le Dieu vivant fait de lui-même devenait toujours plus transparente, d'une manière ‘‘qui surpasse toute connaissance’’ (Ep 3, 19). Mère, Marie devenait ainsi en un sens le premier ‘‘disciple’’ de son Fils, la première à qui il semblait dire : ‘‘Suis-moi !’’, avant même d'adresser cet appel aux Apôtres ou à quiconque (cf. Jn 1, 43) » (Redemptoris Mater, n. 20).

      6- A travers la plus ancienne prière adressée à Notre-Dame, le sub tuum praesidium, demandons à Marie de nous protéger et de nous montrer le chemin qui conduit à son Fils Jésus :

 

Sous l'abri de ta miséricorde, nous nous réfugions, Sainte Mère de Dieu. Ne méprise pas nos prières quand nous sommes dans l'épreuve, mais de tous les dangers, délivre-nous toujours, Vierge glorieuse et bénie. Amen !

 

Abbé Valerry Wilson, Eglise du Perrier, le 14 décembre 2024

Méditation de la 2e semaine de l'Avent

      Mon propos de samedi dernier se résume en deux points importants à savoir la signification du terme adventus et sa portée théologique et pastorale pour nous aujourd’hui.

      1- Ainsi, le mot latin adventus est rendu par les termes français : « présence », « arrivée » et « venue ». Si le mot a désigné l’arrivée du roi ou de l’empereur, il sert également à traduire la venue et donc la présence du Christ, Roi de l’Univers que nous avons célébré au dernier dimanche du Temps Ordinaire. Avec l’Avent, c’est Dieu lui-même qui vient frapper à notre porte ; il est proche ; il n’est pas loin ; il vient nous visiter ; il nous apporte sa Paix car il est le Prince de la Paix et nous demande de faire la paix en nous et autour de nous. L’avent signifie également la visitatio du Fils de Dieu dans ce monde du sensible. Dieu entre surtout dans ma vie ; il m’interpelle et chemine avec moi. Il me parle par sa Parole mais aussi par les événements de ma vie actuelle. Dans le silence de la prière (silence surtout à l’église), le Seigneur me fait comprendre sa présence. C’est donc par le silence et dans le silence que je peux comprendre le signe qu’il me fait ou me donne de vivre aujourd’hui. L’Avent nous dispose à contempler le Seigneur présent dans ma vie et autour de moi. Il ne parle pas dans le bruit. Marie méditait les évènements de la vie de son fils Jésus dans le silence de son cœur : pas dans le brouhaha.

       2- Tenir mon « journal intérieur » à jour revient à veiller, à prier et à vivre dans l’attente, c’est-à-dire dans l’Espérance du salut. C’est « dans l’Espérance que nous avons été sauvés (Spe salvi facti sumus) » (Rm 8, 24). Le temps liturgique de l’Avent est porteur d’une Promesse à savoir qu’« une tige sortira de la racine de Jessé, une fleur s’élèvera de ses racines. Et sur elle reposera l’Esprit du Seigneur » (Is 11, 1-3). L’espérance chrétienne est donc marquée par ce chemin de l’humanité appelée à refleurir, à donner un fruit nouveau grâce à l’accomplissement des promesses par Celui qui a réalisé la volonté de Dieu parmi nous : le Christ Jésus. L’Avent est donc ce temps doté de la présence de Dieu au milieu de son peuple, au milieu de notre paroisse, promesse que le Christ réalise par sa venue.

      3- En venant parmi nous, le Christ, Messie de Dieu, né dans la pauvreté de Bethléem nous interpelle en nous rappelant le commandement de l’amour de Dieu son Père indissociable de celui de l’amour du prochain. Dans notre paroisse, des signes d’espérance sont visibles à travers des repas fraternels, à travers notre présence dans les Ehpad, la charité fraternelle… Mais le Seigneur qui vient nous laisse avant toute chose l’héritage de sa Parole, la vie chrétienne à travers les Sacrements et notamment l’Eucharistie et la Réconciliation. Par eux, il dissipe les ténèbres de nos vies et fait de nous des porteurs d’espérance, de justice, de fraternité.

      4- Demain sera le 8 décembre, jour consacré à la très Sainte Vierge Marie (mais puisque, cette année, la fête de l’Immaculée tombe un dimanche, elle est reportée à lundi). Pour venir au monde, Dieu a voulu la libre coopération d'une créature, Marie, pour être la Mère de son Fils, par l'action de l'Esprit Saint. Et l'Église, depuis le début, honore Marie comme fille de Dieu le Père, comme Mère de Dieu le Fils, comme épouse de Dieu le Saint-Esprit. Ce que Marie a accompli en disant fiat, oui à l’ange Gabriel et en faisant la volonté du Père qui est porteuse de salut pour tous les hommes, l'Eglise continue de le réaliser et chaque fidèle continue de l'accomplir avec l’Eglise. Ainsi, écrit saint Augustin, « le Christ a pour frères et pour sœurs tous les hommes et toutes les femmes qui se sanctifient parce qu'ils sont ses cohéritiers dans l'héritage céleste : sa mère, c'est l'Église toute entière, car, par la grâce de Dieu, c'est elle qui met au monde ses membres, c'est-à-dire ses fidèles. Sa mère, c'est encore toute âme pieuse qui accomplit la volonté de son Père, en vertu de cette charité qui est si féconde en ceux qu'elle enfante jusqu'à ce que le Christ lui-même soit formé en eux. Marie elle-même, en faisant la volonté de Dieu, n'est, corporellement, que la mère du Christ ; mais spirituellement, elle est donc et sa sœur et sa mère » (Augustin, Traité sur la Virginité, n. 6).

      5- Le Concile Vatican II nous présente Marie comme Mère de Dieu, Mère de l’Eglise et comme Vierge : « La bienheureuse Vierge, de par le don et la charge de sa maternité divine qui l’unissent à son fils, le Rédempteur, et de par les grâces et les fonctions singulières qui sont siennes, se trouve également en intime union avec l’Église : de l’Église, comme l’ enseignait déjà saint Ambroise, la Mère de Dieu est le modèle dans l’ordre de la foi, de la charité et de la parfaite union au Christ. En effet, dans le mystère de l’Église, qui reçoit elle aussi à juste titre le nom de Mère et de Vierge, la bienheureuse Vierge Marie occupe la première place, offrant, à un titre éminent et singulier, le modèle de la vierge et de la mère : par sa foi et son obéissance, elle a engendré sur la terre le Fils lui-même du Père, sans connaître d’homme, enveloppée par l’Esprit Saint, comme une nouvelle Ève qui donne, non à l’antique serpent, mais au messager de Dieu, une foi que nul doute n’altère. Elle engendra son Fils, dont Dieu a fait le premier-né parmi beaucoup de frères (Rm 8, 29), c’est-à-dire parmi les croyants, à la naissance et à l’éducation desquels elle apporte la coopération de son amour maternel » (Lumen Gentium, n. 63).

6- Les lectures de la première semaine de l’Avent nous invitent à tourner notre regard vers le Seigneur et à nous confier à lui. En effet, le Seigneur Dieu fera germer pour David un Germe éternel. Le terme Germe indique une promesse dans la promesse car il faut que le germe grandisse, devienne un arbre et que l’arbre donne du fruit. La perspective de l’espérance chrétienne nous demande de monter à la montagne du Seigneur, à la maison du Dieu de Jacob. Là se tient la lumière du Seigneur. Le règne de justice et de paix nous est promis. La souche de Jessé fleurira. L’arbre de vie donnera son fruit. La concorde et la cohabitation pacifique sont promises : le loup habitera avec l’agneau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble. Une fois la justice divine rétablie, chacun de nous proclamera : Voici notre Dieu, c’est lui le Seigneur, c’est lui notre Sauveur. En lui nous avons mis notre confiance (Is 25, 9). Le Seigneur Jésus est venu rendre Dieu accessible à toute personne. Il donne sa paix à qui met sa confiance en lui. Il rabaisse les orgueilleux et élève le faible (Is 26, 1-6). Celui qui s’appuie sur lui ne connaîtra pas de honte. Il change les soucis de nos vies en espérance, rien ne lui est impossible. Le Saint d’Israël a fait voir les aveugles et entendre les sourds. J’insiste, le Seigneur Jésus doit être au cœur de notre vie. Les humbles se réjouiront en sa présence (Is 29, 17-24) : il donne du pain aux affamés et l’eau de la vie dans l’épreuve (Is 30, 19-26).

      7- Adventus signifie également la visitation. Notre paroisse se réjouit de la visite pastorale de Mgr Jacolin. L’évêque est un successeur des apôtres. Il est Docteur de la Foi, et comme tel, il est chargé d’encourager les chrétiens, de leur transmettre fidèlement l’enseignement reçu des apôtres, de soutenir les prêtres et diacres. L’évêque exerce ses fonctions spirituelles au sein d’une circonscription appelée diocèse. Il réside généralement dans la ville où se trouve sa cathédrale ; l’évêché est sa demeure épiscopale, le lieu de résidence de l’évêque qui a pour mission de veiller sur les chrétiens. Il est l’incarnation de l’Eglise. Saint Irénée de Lyon disait : « Là où est l’Eglise, là est aussi l’Esprit de Dieu ; et là où est l’Esprit de Dieu, là est Eglise et toute grâce. Et l’Esprit est Vérité » (AH III, 24, 1). Si le Christ est l’unique Pasteur éternel et Grand Prêtre de son Eglise, l’évêque est au service de l’Eglise et du Christ. Il possède la plénitude du sacerdoce apostolique, le pouvoir d’ordination des prêtres : comme le Christ m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. Première mission des évêques : appeler et envoyer des prêtres ! Saint Ignace d’Antioche écrivait : « là où paraît l’évêque, que là soit la communauté, de même que là où est le Christ Jésus, là est l’Église entière » (littéralement : l’Eglise catholique). Accueillons notre évêque dans un esprit de concorde, d’unité, de solidarité et de fraternité.

      8- Chers paroissiens, avec ce temps de l’Avent qui rend visible la présence de l’éternité de Dieu dans la temporalité de nos vies, que notre joie intérieure se reflète autour de nous. Soyons des chrétiens de l’Espérance. Partageons autour de nous la joie du fait que Dieu s’est fait Enfant. Prions pour nos enfants et petits-enfants, que le Verbe de Dieu protège nos familles. Restons vigilants dans la prière. Que Dieu nous bénisse ! Amen !

Abbé Valerry Wilson, Eglise de Notre de Monts, le 7 décembre 2024

Méditation de la 1e semaine de l'Avent

      Je voudrais que nous réfléchissions sur le sens du terme de Avent, adventus. Il signifie « présence », « arrivée », « venue », « avènement », « évènement ». Dans sa première Lettre aux Thessaloniciens 5, 16-24, l’apôtre Paul donne une série de conseils et encourage les chrétiens : « Soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance : c’est la volonté de Dieu à votre égard dans le Christ Jésus. N’éteignez pas l’Esprit, ne méprisez pas les prophéties, mais discernez la valeur de toute chose : ce qui est bien, gardez-le ; éloignez-vous de toute espèce de mal. Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entiers ; que votre esprit, votre âme et votre corps, soient tout entiers gardés sans reproche pour la venue de notre Seigneur Jésus Christ. Il est fidèle, Celui qui vous appelle : tout cela, il le fera ».

      Ce passage nous introduit dans l’esprit de l’Avent. Il s’agit d’être dans la joie comme l’attitude de celui qui attend un heureux évènement ou message. C’est l’Esprit de Dieu qui plonge le chrétien dans l’agir divin, le regard tourné vers le Christ Jésus. En fuyant le mal et en optant pour le pari de la vertu, le chrétien se dispose à accueillir son Maître, le Christ Jésus.

      Si, dans le monde antique, l’Avent signifie l’attente ou l’arrivée d’un haut fonctionnaire, la venue du Roi ou de l’empereur dans un royaume ou une province, ce terme a servi aussi à désigner la venue de la divinité. En l’employant pour la venue du Christ, l’Avent désigne alors la sortie de Dieu du monde de la divinité (car le Verbe était avec Dieu) pour entrer dans notre monde (le Verbe s’est fait chair). Dieu sort de son lieu caché pour se manifester à nous. Il se fait présence.

      L’Avent signifie aussi cette « présence » de Dieu au milieu de son peuple et de son Temple (à travers la crèche par exemple). Dieu sort de son lieu habituel pour trouver une demeure dans le cœur de chaque chrétien et de chaque personne de bonne volonté. Dans ce sens, l’Avent est ce temps qui tisse une relation à travers laquelle la Parole divine trouve un écho favorable en chaque homme et femme. L’avent porte alors l’expression de la relation du Verbe fait chair avec le chrétien ou mieux, l’Avent est le temps qui permet de créer ou d’entretenir ou d’approfondir ma proximité avec le Christ Jésus qui veut établir sa demeure dans la « province » de son cœur, dans l’intime de mon être. Il vient personnellement pour moi : « Nous avons dit que cette venue est singulière : la ‘venue’ du Seigneur. Toutefois il n’y a pas que la dernière venue à la fin des temps : dans un certain sens, le Seigneur désire toujours venir à travers nous. Et il frappe à la porte de mon cœur : es-tu disposé à me donner ta chair, ton temps, ta vie ? Telle est la voix du Seigneur, qui veut entrer également dans notre époque, il veut entrer dans l’histoire humaine à travers nous. Il cherche également une demeure vivante, notre vie personnelle. Voilà la venue du Seigneur. C’est ce que nous voulons à nouveau apprendre pendant le temps de l’Avent : que le Seigneur peut venir également à travers nous » (Benoît XVI, Méditation sur Noël. La splendeur de la Nativité, Paris, Editions Salvator, 2006, p. 9-10).

L’Avent est alors le temps qui nous dispose à accueillir « l’arrivée » du Roi-Messie qui veut faire participer tous ceux qui croient en lui au mystère de Dieu, dans sa présence à travers l’assemblée liturgique. Nous pouvons alors voir Dieu, le toucher à travers l’Eucharistie, lui parler par la prière, lui demander pardon dans le sacrement de la Réconciliation.

      L’Avent, ce temps liturgique fort que nous commençons, nous invite à nous poser, dans le silence pour réfléchir sur cette présence de Dieu qui se fait « avènement ». En effet, Dieu vient me

visiter aujourd’hui et demeure présent dans ma vie et autour de moi. Il vient me visiter comme l’Ange Gabriel a visité la Vierge Marie. Autant Marie a répondu au messager divin, autant je suis convié à imiter la Vierge Marie en donnant mon fiat comme ma parole décisive à la suite du Christ Sauveur, le Prince de la Paix.

      De cette manière, l’Avent se fait « Évènement » : celui d’un mode de vie différent à travers lequel je regarde la vie, ma vie, celle des autres comme porteuse d’un message dynamique de salut ou comme créée pour être sauvée. Comme l’écrit le Pape Benoit XVI, « l’Avent nous pousse à comprendre le sens du temps et de l’histoire comme ‘‘kairós’’, comme occasion favorable pour notre salut. Jésus a illustré cette réalité mystérieuse dans de nombreuses paraboles : dans le récit des serviteurs invités à attendre le retour du maître ; dans la parabole des vierges qui attendent l’époux ; ou dans celle de la semence et de la moisson. L’homme, au cours de sa vie, est en attente permanente : quand il est enfant, il veut grandir ; adulte, il tend à la réalisation et au succès ; en avançant en âge, il aspire à un repos mérité. Mais arrive le temps où il découvre qu’il a trop peu espéré, au-delà de la profession ou de la position sociale, il ne lui reste rien d’autre à espérer.

      L’espérance marque le chemin de l’humanité, mais pour les chrétiens, elle est animée par une certitude : le Seigneur est présent tout au long de notre vie, il nous accompagne et un jour, il essuiera aussi nos larmes. Un jour, bientôt, tout trouvera son accomplissement dans le Royaume de Dieu, Royaume de justice et de paix. Mais il y a des manières très différentes d’attendre » (Homélie du pape Benoît XVI, Célébration des premières vêpres de l’Avent, 28 novembre 2009, en la Basilique Saint Pierre de Rome).

 

      Chers amis, l’Avent est le temps qui nous prépare à l’accueillir le Seigneur qui vient. Il nous introduit dans la présence de Dieu tout en nous éduquant à vivre dans l’attente de la promesse du salut et de l’attente de l’éternité. Notre joie est grande du fait que Dieu s’est fait homme. Cette joie nous affermit dans la foi et nous pousse à aller de l’avant dans la confiance.

      Que Marie, la Mère de l’Espérance, nous enveloppe de son manteau virginal. Amen !

 

 

Abbé Valerry Wilson,

Eglise de La Barre de Monts, le 30 novembre 2024

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